Témoignage de Gabrielle Cézard (de dos sur la photo) alors que son ami photojournaliste Ameer Al-Halbi vient d'être blessé lors de la manifestation du 28 novembre 2020
« Vous êtes, déjà, probablement nombreux à avoir vu ces terribles images que j'ai prises d'Ameer Al Halbi un photographe syrien indépendant et un très bon ami. Il a été grièvement blessé, aujourd'hui à Paris, par la police pendant une charge très violente aux abords de la Place de la Bastille, probablement par des coups de matraque et/ou de boucliers. Il se trouvait près de moi, entouré de photographes identifiables comme tels (brassards, casques, boitiers etc...) et sur le côté.
Malgré son état, qui nécessite clairement une prise en charge médicale, accompagnés de deux streets medic, nous avons mis une bonne vingtaine de minutes à sortir du dispositif, se faisant balader par les forces de l'ordre d'un bout à l'autre de la place.
Il va "bien", probable nez cassé, une arcade sourcilière ouverte et une bonne quantité de sang avalée. Il va s'en remettre physiquement et avait le sourire quand je l'ai quitté à Lariboisière. La blessure est, d'après ce qu'il m'a dit, psychologique. Je connais Ameer, depuis son arrivée en France il y a 4 ans environ pour fuir la guerre en Syrie. C'est un garçon formidable habitué des situations à risque, qui a couvert le conflit en Syrie et de nombreuses manifestations à Paris.
En attendant les pompiers, il s'est effondré en larmes dans mes bras, juste comme ça sans rien dire (moi qui ne suis pourtant pas très câlin j'ai été submergée par une émotion indescriptible). Puis il m'a confié qu'il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas ce qu'il avait fait de mal, pourquoi il avait mérité ça, pourquoi il avait été puni parce qu'il faisait des photos ? Ce soir, il a eu peur, moi aussi. Cette dernière a manifestement changé de camp.