<< le Fil rouge
Commençons par dire la veÌriteÌ : il eÌtait urgent que cette revue voit le jour. Avec l'aveÌ€nement du numeÌrique, tant bien que mal, nous assistons aÌ€ un deÌsir croissant de photographie. Nous sommes inondeÌs d'images. Celles qui s'enchainent en cascade, celles qui tremblent, celles qui cadrent mal, celles que l'on prend de soi-meÌ‚me et autres coquetteries. Mais on a l'impression que cet afflux d'images ne nous informe pas. Au fond, on ne sait meÌ‚me plus ce qu'on regarde. Paradoxalement, ces images creÌent le besoin d'en avoir d'autres, celles d'hommes et de femmes qui assument un regard, un discours.
FotopakleÌ€, notre revue, veut rapatrier la photo sur le terrain ouÌ€ elle sert le plus, celui du teÌmoignage. Ce sera peut-eÌ‚tre un bon point de deÌpart pour discuter des images produites sur notre pays, Haïti, sur le sens de l'autre, et y meÌnager un peu plus de place pour le photojournalisme, le reÌcit par la photo, le reÌcit. Publier est un acte fragile, qui deÌvoile, engage et peut meÌ‚me trahir. Quoi montrer ? Jusqu'ouÌ€ montrer ? Sur quoi eÌcrire ? Ces questions sont d'autant plus deÌlicates que les frontieÌ€res de la perception de ce qui est moral sont mouvantes. Nous devons souvent avancer sans certitudes dans le fatras des eÌveÌnements. Le parti pris de FotopakleÌ€, est celui de poser des regards simples sur les choses et les eÌ‚tres, de deÌpasser nos propres preÌjugeÌs et de partager avec nos lecteurs et lectrices, image apreÌ€s image, des moments reÌflexifs sur le monde et notre humaniteÌ. En photographie, en texte. En photographie surtout.
Depuis la sentence de la Cour constitutionnelle dominicaine de 2013 et ses nombreux deÌveloppements, la frontieÌ€re haïtiano-dominicaine est un enjeu immense. Elle est devenue la ligne redouteÌe par ceux menaceÌs d'apatridie, maudite par les rapatrieÌs. Et la bataille commerciale s'y est accrue. Il fallait poser un regard lucide sur cette frontieÌ€re veÌcue comme une zone d'inseÌcuriteÌ par les deux peuples et eÌ‚tre proche de ceux qui y vivent.
Pendant de longues semaines, nos photographes et journalistes s'y sont plongeÌs. Ils nous racontent leurs rencontres, des tranches de l'expeÌrience humaine et le roman des rapatrieÌs haïtiens, ces Autres. Leurs histoires sont souvent eÌcrites aÌ€ plusieurs mains, sans sensationnalisme ou recherche du bizarre, quelquefois en biais, toujours respectueuses.
Au bouclage, il y a eu des sourires, des pointes de saisissement qui rappellent toutes les difficulteÌs du « faire collectif ». AÌ€ tous nos contributeurs, aux partenaires qui nous ont pris au mot et nous ont soutenu : chaÌ‚peau.
En face, il y a les deÌfis actuels et futurs, en particulier les difficulteÌs eÌconomiques inheÌrentes au marcheÌ de la presse. Nous en sommes tous bien conscients. Notre revue se veut combative, indeÌpendante, innovante. Porteuse d'un discours qui puisse parler aux autres. C'est laÌ€ notre veÌriteÌ, et nous prenons plaisir aÌ€ la partager avec vous.
dumas maçon