Joséphine
On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, on ne fait pas plus de bonne
photographie sans maintenir ses émotions à bonne distance focale.
Arno Brignon, jeune père mais déjà photographe afrmé, le sait en nous proposant cette vision
distanciée de ce moment de sa vie de famille. Il le fait, non pas sur le mode (fèrement)
afrmatif de sa paternité mais sur celui , plus interrogatif, de sa place dans cette étrange
histoire d’amour à deux qui, d’un seul coup d’un seul, s’est transformée en fgure triangulaire :
celle de sa femme, devenue maman, qui porte, joue, baigne, danse , nourrit, couche (avec)
l’enfant (et lui tourne le dos, à lui, son homme), d’une petite flle, Joséphine, qui regarde sans
vraiment voir, se pose là (sans poser encore), et lui la tierce personne qui derrière le masque de
son appareil a du mal à trouver sa place, à faire le point sur l’objet de son désir.
L’art d’Arno Brignon c’est de réussir à rendre sensible par les flous de bougé, de mise au point,
les décadrages et les basculements de champ, ce trouble qui s’empare de l’homme confronté à
sa nouvelle image de père et que le photographe traduit magnifquement par cette errance
visuelle proche du vertige ?
Dominique Roux