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Esther Nsapu

Photojournalist & Videographer
    
Malgré les rebelles, ils fabriquent le « Gouda » du Congo
Public Project
Malgré les rebelles, ils fabriquent le « Gouda » du Congo
Copyright Esther Nsapu 2024
Updated May 2020
Topics Documentary, Landscape, Media, Photography, Photojournalism

Il est 8 heures du matin lorsque les gardiens de la ferme Malaïka se précipitent pour amener plusieurs dizaines des vaches vers le bas de la colline afin de les traire.

Sous une température d’à peine 18°C, l’atmosphère reste fraîche et humide. Un épais nuage épouse les collines sans laisser espérer un possible rayon de soleil. C’est sur ces belles collines verdoyantes que de nombreuses vaches broutent paisiblement l’herbe tendre. Ces paysages bucoliques qui pourraient faire penser à la Suisse invitent à la contemplation.


Nous sommes ici à Mushaki à environ 80 kilomètres de la ville de Goma (et deux bonnes heures de route) dans le territoire de Masisi en province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo. C’est ici qu’est produit le fromage de Masisi, surnommé le “Gouda”, si apprécié des Congolais jusqu’à la capitale Kinshasa.


Ici, l’économie locale tourne autour de la fabrication de fromages. La cité de Mushaki est piquée de plusieurs fermes qui alimentent plusieurs villes de la RDC en lait de vache et en fromages de la région malgré l’insécurité persistante. Dans cette petite vallée, ils sont une dizaine de travailleurs sur le site de la ferme Malaïka à traire les vaches. Chaque travailleur a son seau à la main. Une fois ce dernier rempli de lait, chacun verse le contenu dans un bidon de vingt litres qui sont ensuite acheminés jusqu’à la fromagerie pour y être transformés en fromage.


Amani Déogracias est “mushumba” (gardien des vaches) depuis dix ans à la ferme Malaïka. Au total, ils osnt une dizaine de “cow-boys”.

“Nous pouvons traire jusqu’à 50 vaches par jour si la saison est bonne. Pendant la saison des pluies, les vaches consomment de la bonne herbe. Et lorsqu’elles mangent bien, elles produisent également beaucoup de lait”, explique Amani Déogracias.


Mais cette apparente tranquillité est trompeuse. Les troubles qui secouent souvent cette région perturbent profondément la production de ce fromage. En cause : la présence de groupes rebelles dont certains restent encore non identifiés. Ces milices sont souvent attirées par l’exploitation du coltan de la mine de Rubaya, située non loin. Tueries et pillage sont le lot régulier de cette région. Les “rebelles” profitent aussi de la faible présence de l’armée congolaise.

Claude Simon, est l’un des producteurs de fromages “Gouda” à la ferme Malaika. Lui aussi a eu à souffrir de l’insécurité due à la présence d’hommes armés.

“Les hommes en armes débarquaient même pendant la journée pour s’emparer de notre bétail. Ils tiraient des coups de feu pour nous effrayer. Pour sauver leurs peaux, les gardiens étaient obligés de prendre la fuite en laissant les vaches entre les mains des assaillants. Ils pouvaient s’emparer de deux ou trois vaches avant de disparaître”, explique M. Simon qui poursuit : “Dans ces moments-là, nous pouvions rester des semaines entières sans produire de fromages par peur d’être la cible d’hommes armés”.

Pour Simon, l’accalmie qui s’est observée ces deux dernières années dans la cité de Mushaki, notamment grâce à l’intervention des forces de l’ordre contre des camps de rebelles installés dans la région, lui a permis d’augmenter sa production. Mais dans une région qui est régulièrement le théâtre de conflits armés, il est difficile pour lui d’être totalement rassuré.


Jusqu’à 15 fromages par jour


Dans un contexte apaisé, Simon peut produire jusqu’à 15 “Gouda” par jour.

Ces fromages produits dans le territoire de Masisi sont vendus entre 2,5 et 4 dollars la pièce. Mais c’est surtout dans les grandes villes congolaises qu’ils sont écoulés, que ce soit à Goma, Lubumbashi où Kinshasa. Dans ces villes, leur prix peut quadrupler.


A Mushaki comme ailleurs dans le territoire de Masisi, malgré l’instabilité, l’activité fromagère fait la fierté de ses habitants. Elle symbolise en quelque sorte avec le Chukudu (mélange de grande trotinette et la draisienne) la résilience des Congolais de cette partie de la République démocratique du Congo.


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