Il est 6 heures du matin, lorsque hommes, femmes et jeunes se précipitent à la pêcherie dite du « peuple » pour attendre les premières embarcations (pirogues) venues du Lac Kivu. Remplies de différentes sortes de petits poissons, des vendeuses chargées de bassines de poissons s’apprêtent à décharger les colis des pécheurs.
Ce sont des « sambaza », des petits poissons (« fretins » en français) qui sont souvent pêchés dans le Lac Kivu par des pêcheurs artisanaux. Ces sambaza sont particulièrement prisés par les habitants du Kivu.
A Bukavu en province du Sud-Kivu, des familles entières vivent grâce à la pêche des sambaza.
Paul est l’un des pêcheurs de Bukavu. Il est marié et père de 6 six enfants, dont deux sont étudiants à l’Université Catholique de Bukavu. Avec d’autres pêcheurs, il va pêcher trois fois par semaine la nuit de 18 heures à 7 heures du matin. Lorsqu’il part, Paul prend son filet, du fufu de manioc (sorte de semoule) pour l’aider à tenir éveillé durant la nuit. Il prend également un brasero pour faire du feu et une lampe à pétrole. Cette dernière est très importante car c’est la lumière de la lampe qui va attirer les sambaza dans ses filets.
Sur le lac, Paul ne part jamais seul. Pour pêcher, il embarque au moins avec deux autres pêcheurs. En règle générale, les pirogues sont attachées par trois avec des tiges en bois et de la corde en laissant une distance de 2 mètres entre chaque pirogue. Cependant, certains pêcheurs choisissent de partir en solo mais la plupart préfèrent par groupe de trois pirogues. Outre le fait qu’il est rassurant d’être ensemble sur ce lac aux eaux très profondes, c’est l’occasion pour eux de manger en causant de tout et de rien pendant la pêche.
Par ailleurs, les pêcheurs artisanaux doivent souvent faire face à l’insécurité. Selon certains témoignages, ils peuvent être victimes de bandits armés qui profitent de l’occasion pour dépouiller certains pêcheurs.
Pour M. Jean Lucien Kulimushi, membre de la société de pêche du Kivu (SOPEK), « Nous recommandons aux pêcheurs de rester groupés lors de la pêche nocturne pour leur sécurité. L’année dernière, un groupe de pêcheurs a été attaqué par des hommes armés non identifiés sur le lac Kivu et un jeune pêcheur est mort noyé ».
Dès six heures du matin, les pêcheurs commencent à regagner la rive au lieu-dit de la « pêcherie du peuple » à Bukavu. Les vendeuses de poissons venues des quartiers de Nguba, Kadutu et de Nyawera se dépêchent de se ravitailler pour aller revendre les poissons frais dans différents marchés de Bukavu.
Dans son embarcation, Paul n’a ramené que 40 kilos de sambaza. « Insuffisant », selon lui. Paul va vendre aux vendeuses de Bukavu un kilo à 2.400 francs congolais soit 1,5 $ le kilo.
« Les jours ne sont pas les mêmes. Je peux parfois revenir avec 75 kilos lorsque la pêche est bonne ou parfois moins. Ça dépend. Si je rentre avec une bonne qualité de sambaza (c’est-à-dire des gros sambaza), je pourrai les vendre à un meilleur prix et accroître mes bénéfices ».
Ce n’est que sur les coups de 9 heures que Paul rentre chez lui pour dormir, après avoir fini de vendre toute sa cargaison. Il garde 80% de ses bénéfices pour les besoins de sa famille et le reste alimente une caisse commune gérée par l’association des pêcheurs.
Faida, elle, est vendeuse de sambaza au détail. Elle fait du porte à porte dans le quartier de Nguba. Elle vend à ses clients six sambaza pour 200 francs congolais ce qui lui permet d’augmenter sin chiffre d’affaires et gd’engranger trois fois plus de bénéfice.
A la pêcherie du peuple, on compte plusieurs dizaines de pirogues motorisés et non motorisés qui font la pêche mais également une centaine de pêcheurs qui vivent grâce à la pêche au sambaza.
Léonard Malekera, président de l’association d’aspergeurs du Congo (ASPECO), antenne de Kahuwa, souligne que le sambaza est un aliment de base pour les Bukaviens car non seulement il alimente la moitié de la population de la ville mais également beaucoup de familles en vivent. Pour cette raison, les pêcheurs méritent de respect.